MASTERISATION  : UNE MACHINE A CASSER LES STATUTS ET FABRIQUER DES ENSEIGNANTS PRÉCAIRES !

 

Rappelons tout d’abord que l’une des revendications majeures de la puissante mobilisation de l’an dernier à l’université était « le retrait de la réforme de la formation et des concours de recrutement des enseignants du premier et du second degré ».

Le 29 juillet ont été publiés les décrets sur la masterisation des concours de recrutement des enseignants, et le 20 août une circulaire organisant, avant le concours, des stages pour 150 000 étudiants (100 000 en stages dits « d’observation et de pratique accompagnée » et 50 000 « en responsabilité »).
Les chiffres du budget 2010 sont maintenant connus : 16 000 emplois supprimés dans l’Education Nationale. Parmi ces suppressions, 18 202 emplois de stagiaires, dont l’intégralité des 6 733 emplois de stagiaires du second degré public (l’US du 19. 09. 09). Ces chiffres éclairent crûment les véritables objectifs de la masterisation des concours de recrutement.

On est très loin de la prétendue élévation du niveau de recrutement. C’est tout le contraire, tant au niveau de la formation disciplinaire  que professionnelle. Dans la motion adressée à Darcos le 11 juin, les jurys de concours eux-mêmes soulignaient « à terme, une remise en cause des concours nationaux et une précarisation des personnels enseignants [...] un affaiblissement inacceptable des contenus disciplinaires des concours sous couvert de « professionnalisation », alors même que l’année de stage de formation en alternance rémunérée existant actuellement est supprimée dans le projet ministériel. »

La masterisation des concours place les futurs candidats à l’enseignement dans une situation intenable. Il leur faudrait
- financer comme ils le pourraient une année d’études supplémentaire (50% d’entre eux sont actuellement obligés d’exercer une activité salariée),
- mener de front la préparation de leur M1 et des stages « d’observation et de pratique accompagnée » (non rémunérés),
- en M2, bien sûr valider leur master, rédiger leur mémoire de recherche, préparer le concours et effectuer les stages en responsabilité ! Un stage en responsabilité, cela signifie, pour un étudiant préparant un concours du second degré, assurer, sans formation, un service complet d’enseignement pendant 6 semaines ! Pour un futur PE, prendre en charge une classe pendant 4 semaines ! Le tout pour 3 000 euros.

Partout en cette rentrée on manque de professeurs, partout des enseignements et des remplacements ne sont pas assurés ; ces stages sont donc une aubaine.
Et dans le contexte actuel de baisse continue des postes aux concours de recrutement, il est prévisible que l’on aboutisse très rapidement à une masse de dizaines de milliers d’étudiants titulaires d’un master d’enseignement mais collés au concours. Ils vont donc se trouver « piégés » dans ces masters d’enseignement n’ouvrant sur aucun autre débouché.

Déjà, sur le site du rectorat de Dijon, on peut lire : « Pour assurer le remplacement des enseignants […], le rectorat est amené, faute de titulaires sur zone de remplacement en nombre suffisant, de procéder à des recrutements de non titulaires. Vous êtes titulaire d’une LICENCE de MATHÉMATIQUES, de LETTRES CLASSIQUES ET MODERNES, de SCIENCES PHYSIQUES et de SVT : Le recrutement est permanent, des postes sont à pourvoir tout au long de l’année scolaire dans les établissements de l’académie de Dijon. Envoyez une lettre de motivation et un CV […] au BUREAU DU REMPLACEMENT. »

C’est dans le privé que l’on envoie une lettre de motivation et un CV ! Ce mode de recrutement devrait-il devenir la norme ?
Avec une licence, on n’est plus assez qualifié pour préparer un concours et bénéficier ensuite, en tant que fonctionnaire stagiaire, d’une année complète de formation rémunérée (et comptant pour la retraite), mais on l’est tout à fait pour assurer, comme contractuel ou vacataire, sans aucune formation, un enseignement, la plupart du temps d’ailleurs sur des morceaux de postes, puisque la mode est au saucissonnage des postes du fait de la gestion à l’heure près !
Voilà la réalité de la masterisation ! Et l’académie de Dijon ne constitue pas une exception, toutes les autres font de même.

C’est un avenir de précarité que l’on prépare ainsi aux futurs enseignants. C’est très clairement la remise en cause des différents corps de professeurs, fonctionnaires d’État bénéficiant d’un statut. C’est inacceptable.

Après les récentes prises de position du SNES et de la FSU pour le retrait de la circulaire sur les stages, il y a celle de l’UNEF qui demande le retrait des décrets. Il n’est pas dit que Châtel parviendra à ses fins. Les raisons à l’origine de l’immense mobilisation de l’an dernier demeurent.

Il est urgent de poursuivre partout l’information de nos collègues et la mobilisation afin d’obtenir le retrait des décrets et de la circulaire sur les stages, et mettre ainsi en échec cette « réforme » désastreuse pour tous, étudiants, enseignants et élèves.

 

Edith Danry

16 octobre 2009

 

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